La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est devenue un enjeu majeur pour les sociétés du 21e siècle. Face aux défis environnementaux et sociaux, les entreprises sont de plus en plus tenues de rendre des comptes sur leurs impacts. Quelles sont leurs obligations légales en la matière ?
Le cadre réglementaire de la RSE en France
En France, la loi NRE de 2001 a marqué un tournant en imposant aux sociétés cotées de publier des informations sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités. Depuis, le cadre s’est considérablement renforcé avec notamment la loi Grenelle II de 2010 qui a élargi ces obligations à certaines sociétés non cotées.
Plus récemment, la loi PACTE de 2019 est venue consolider la place de la RSE dans la stratégie des entreprises. Elle introduit la notion de « raison d’être » dans les statuts et crée le statut d’entreprise à mission. Ces dispositifs, bien que facultatifs, incitent les sociétés à intégrer des objectifs sociaux et environnementaux au cœur de leur modèle économique.
Les obligations de reporting extra-financier
L’une des principales obligations en matière de RSE concerne la publication d’informations extra-financières. Les grandes entreprises (plus de 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires) doivent ainsi produire une déclaration de performance extra-financière (DPEF). Ce document doit présenter le modèle d’affaires de l’entreprise, ses principaux risques RSE, les politiques appliquées et les résultats obtenus.
Les informations à publier couvrent un large spectre : environnement (émissions de gaz à effet de serre, économie circulaire…), social (emploi, santé et sécurité…), sociétal (droits humains, lutte contre la corruption…). Ces données doivent être vérifiées par un organisme tiers indépendant.
Le devoir de vigilance des sociétés mères
La loi sur le devoir de vigilance de 2017 impose aux grandes entreprises françaises (plus de 5000 salariés en France ou 10 000 dans le monde) d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance. Ce plan doit identifier et prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à la sécurité des personnes, ainsi qu’à l’environnement.
Cette obligation s’étend à l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise, y compris ses filiales, sous-traitants et fournisseurs. En cas de manquement, la société peut voir sa responsabilité engagée devant les tribunaux. Cette loi marque une avancée significative en matière de responsabilité juridique des entreprises pour leurs impacts sociaux et environnementaux à l’échelle mondiale.
La lutte contre la corruption
La loi Sapin II de 2016 a renforcé les obligations des entreprises en matière de lutte contre la corruption. Les sociétés de plus de 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires doivent mettre en place un programme de conformité anticorruption comprenant notamment :
– Une cartographie des risques de corruption
– Un code de conduite
– Un dispositif d’alerte interne
– Des procédures de contrôle comptable
– Un plan de formation pour les cadres et personnels exposés
Ces mesures s’inscrivent dans une démarche globale de RSE visant à promouvoir l’éthique des affaires et la transparence.
Les obligations sectorielles
Certains secteurs d’activité sont soumis à des obligations RSE spécifiques. C’est notamment le cas du secteur financier avec la loi sur la transition énergétique de 2015 qui impose aux investisseurs institutionnels de communiquer sur la prise en compte des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans leur politique d’investissement.
Dans le domaine agroalimentaire, la loi EGalim de 2018 fixe des objectifs en matière d’approvisionnement en produits durables et de qualité pour la restauration collective publique. Ces mesures visent à encourager des pratiques plus responsables tout au long de la chaîne alimentaire.
Les sanctions en cas de non-respect
Le non-respect des obligations RSE peut entraîner diverses sanctions. En matière de reporting extra-financier, l’absence de publication peut donner lieu à une injonction sous astreinte. Pour le devoir de vigilance, une amende civile peut être prononcée en cas de manquement.
Au-delà des sanctions légales, les entreprises s’exposent à des risques réputationnels importants. Les consommateurs, investisseurs et partenaires commerciaux sont de plus en plus attentifs aux performances RSE des entreprises. Un manquement peut ainsi avoir des conséquences économiques significatives.
Vers une harmonisation européenne
L’Union Européenne travaille actuellement à l’harmonisation des obligations RSE à l’échelle du continent. La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) va considérablement élargir le champ des entreprises soumises au reporting extra-financier et renforcer les exigences en termes de contenu et de vérification des informations.
Par ailleurs, un projet de directive sur le devoir de vigilance est en cours d’élaboration. Il vise à étendre à l’ensemble des pays membres des obligations similaires à celles de la loi française sur le devoir de vigilance.
Ces évolutions témoignent d’une volonté politique forte de faire de la RSE un pilier du modèle économique européen, dans une optique de développement durable et de transition écologique.
En conclusion, les obligations des entreprises en matière de RSE se sont considérablement renforcées ces dernières années en France. Du reporting extra-financier au devoir de vigilance, en passant par la lutte contre la corruption, les sociétés doivent intégrer ces enjeux au cœur de leur stratégie. Ces évolutions réglementaires reflètent les attentes croissantes de la société civile envers le monde économique. Elles dessinent les contours d’un nouveau modèle d’entreprise, plus responsable et soucieux de son impact global.