La voix des enfants dans les tribunaux : Un droit fondamental en pleine évolution

Le droit des enfants à participer aux décisions judiciaires qui les concernent connaît une avancée majeure. Cette évolution reflète un changement profond dans la perception de l’enfant au sein du système judiciaire, passant d’un simple objet de protection à un véritable sujet de droit.

Les fondements juridiques du droit à la participation

Le droit à la participation des enfants dans les décisions judiciaires trouve ses racines dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’ONU en 1989. L’article 12 de cette convention stipule que tout enfant capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, ses opinions étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

En France, ce droit est consacré par l’article 388-1 du Code civil, qui prévoit que dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande.

Les modalités pratiques de l’audition de l’enfant

L’audition de l’enfant dans le cadre d’une procédure judiciaire doit respecter certaines modalités pour garantir le respect de ses droits et de son intérêt supérieur. Le juge doit s’assurer que l’enfant a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. L’audition se déroule généralement dans un cadre adapté, hors la présence des parents et des avocats, pour permettre à l’enfant de s’exprimer librement.

Le Conseil national des barreaux a élaboré une charte de l’avocat d’enfants qui définit les principes déontologiques spécifiques à cette mission. L’avocat doit notamment veiller à ce que l’enfant comprenne les enjeux de la procédure et les conséquences de ses déclarations.

Les domaines d’application du droit à la participation

Le droit à la participation des enfants s’applique dans de nombreux domaines du droit de la famille et de la protection de l’enfance. Dans les procédures de divorce, l’enfant peut être entendu sur les questions de résidence et de droit de visite. En matière d’adoption, le consentement de l’enfant de plus de 13 ans est requis. Dans le cadre de l’assistance éducative, l’enfant capable de discernement peut demander à être entendu par le juge des enfants.

Le droit à la participation s’étend au-delà du droit civil. En matière pénale, le mineur victime ou mis en cause bénéficie de droits spécifiques, notamment celui d’être assisté par un avocat spécialisé. Dans le domaine médical, le consentement du mineur doit être recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

Les enjeux et les défis de la participation des enfants

La mise en œuvre effective du droit à la participation des enfants soulève plusieurs défis. Le premier concerne l’évaluation de la capacité de discernement de l’enfant, qui n’est pas liée à un âge précis mais dépend de sa maturité et de sa compréhension des enjeux. Les magistrats et les professionnels de l’enfance doivent être formés pour apprécier cette capacité au cas par cas.

Un autre enjeu majeur est de concilier le droit de l’enfant à participer avec son droit à être protégé. Il faut veiller à ce que la participation de l’enfant à la procédure ne lui soit pas préjudiciable et ne l’expose pas à des pressions ou à des conflits de loyauté. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, consacré par l’article 3 de la CIDE, doit guider toutes les décisions.

Les perspectives d’évolution du droit à la participation

Le droit à la participation des enfants est en constante évolution. Des réflexions sont en cours pour renforcer ce droit, notamment en systématisant l’information des enfants sur leur droit à être entendus et en améliorant la formation des professionnels. Des expérimentations sont menées dans certaines juridictions pour adapter les salles d’audience et les procédures aux enfants.

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe a adopté des lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants, qui préconisent une approche globale de la participation des enfants à tous les stades de la procédure judiciaire. Ces recommandations pourraient influencer les futures évolutions législatives en France et dans d’autres pays européens.

Le droit à la participation des enfants dans les décisions judiciaires représente une avancée majeure dans la reconnaissance de l’enfant comme sujet de droit à part entière. Sa mise en œuvre effective nécessite une adaptation constante des pratiques judiciaires et une formation approfondie de tous les acteurs concernés. L’enjeu est de taille : permettre à l’enfant d’exercer ses droits tout en garantissant sa protection et son intérêt supérieur.